Enjeu de la crise en Irak : un scénario à la syrienne

17 Mai 2013


Le soulèvement des populations musulmanes sunnites en Irak – l'Intifada - constitue un nouveau défi pour le gouvernement irakien, à majorité chiite dirigé par Nouri El Maliki.


Crédit Photo -- AFP
Les soulèvements du Printemps arabe rattrapent finalement le nouveau régime irakien, celui-ci s’en retrouve de plus en plus affaiblie. Semblant être incapable de répondre convenablement à l’ampleur de cette crise. Plus problématique encore, le gouvernement irakien est très réticent à céder aux manifestants sunnites. Ceux-ci s’estiment marginalisés après la chute de l’ancien régime baasiste de Saddam Hussein.

Cette crise n’a fait qu’alimenter les hostilités et la montée de la violence puisqu’en quelques jours, plusieurs accrochages ont eu lieu entre l’armée – soutenue par des miliciens chiites — et les militants sunnites organisés et armés. Ces affrontements ont occasionné des dizaines de morts et de blessés, dont la majorité était des membres du groupe chiite Sahwa, proche du régime et financé par l’Iran.

Le chef du gouvernement irakien s’est efforcé de condamner ce conflit confessionnel et n’a pas hésité à faire le lien entre la crise syrienne et la situation en Irak. Ce dernier invoque une manipulation stratégique des manifestations, en indiquant qu’ils ont « commencé ailleurs dans la région » en référence à la Syrie, et qu’ils « ne sont pas une coïncidence »,  mais provoquées par des forces extérieures qui désirent satisfaire leurs propres intérêts.

Irak : un nouveau terrain de confrontation Iran-Pays du Golf

Il n’est plus surprenant de constater que le conflit syrien demeure largement alimenté par la confrontation indirecte entre l’Iran et les pays du Golf, en l’occurrence l’Arabie Saoudite. Une telle opposition semble s’installer progressivement chez le voisin irakien. Cette situation constitue une opportunité pour les pays du Golf à majorité, d’arracher l’État irakien de l’emprise de l’Iran. Dans l’espoir de briser le cercle chiite et par la même occasion, d’accroitre l’influence des régimes sunnites dans la région.

Pour ce faire, l’Arabie Saoudite n’a jamais caché son intention de soutenir les militaires sunnites pour combattre l’expansionnisme chiite dans le pays. Cette volonté a été confirmée par le ministre des affaires étrangères saoudien qui a clairement indiqué que « Riyad n’hésiterait pas à fournir un appui financier à ses voisins sunnites, pour faire face à la majorité chiite soutenue par l’Iran ». La même position est d’ailleurs, partagée par d’autres pays du Golf notamment le Qatar. Celui-ci a accentué ses activités en Irak principalement après l’accrochage entre les responsables qataries avec leurs homologues irakiens concernant la marche à tenir vis-à-vis du régime Al Assad en Syrie. Les autorités Qatar allant jusqu’à accuser les autorités irakiennes de « faire entrer des centaines de terroristes à Al Anbar et à Ninive via le Kurdistan. »

Conscient de cette situation, l’Iran ne pouvait rester indifférent. Les responsables iraniens ont indiqué, à maintes reprises, que les États du Golf ne cessent de comploter contre le régime irakien et qu’elle se devait d’agir pour se protéger. Pour ce faire, ils ont adopté la même stratégie que celle appliquée actuellement en Syrie. Il s’agit, en fait, d’apporter un soutien financier et militaire aux troupes irakiennes. Pire encore, l’Iran n’hésite pas à impliquer l’Irak dans la crise syrienne pour combattre les groupes sunnites armés par les pays du Golf.

Risques de la crise irakienne sur l’avenir du pays

La confrontation entre les pays du Golf et l’Iran nuit profondément à l’Irak qui vit, actuellement, sous la menace d’une déstabilisation causée par l’antagonisme entre les sunnites et chiites, ce qui renvoie le pays à l’époque des divisions confessionnelles et ethniques qui se sont produites entre 2006 et 2008. Plus préoccupant encore, cette situation risque de s’aggraver davantage en raison de l’implication de l’Etat irakien en Syrie. Reste que l’Irak devient de plus en plus la cible des rebelles syriens qui ont tendance à considérer « les intérêts irakiens comme une menace potentielle pour leur lutte, cela pourrait mener certains groupes anti-Assad, les plus radicaux, à être davantage enclin à attaquer l’État irakien ». La problématique du retour des combattants kurdes au nord de l’Irak pourrait contribuer à l’accélération d’un éclatement, ce qui signifie que « le spectre d’un démembrement du pays n’est pas à exclure ».  

De tous ces éléments, il est évident que l’Irak se trouve devant un dilemme important dont les conséquences sont vitales pour l’avenir du pays. Il ne peut s’allier à camp sans s’opposer à l’autre partie. En d’autres termes, l’Irak n’est en réalité, qu’une autre victime de cette opposition sunnite-chiite dans une région dont l’avenir paraît toujours plus incertain.



Doctorant en Relations et Droit Internationaux à l'Université de Rabat (Maroc) et membre du Centre… En savoir plus sur cet auteur